Après s’être fait arnaquer, il vit depuis 6 ans dans une maison toujours en chantier

Maison en chantier

On parle souvent des sommes arnaquées, moins des vies brisées. Pourtant, certaines arnaques à la construction s’avèrent dévastatrices pour les victimes, économiquement et psychologiquement. Mario est l’une de ces personnes : victime présumée d’un arnaqueur multirécidiviste, il vit depuis 2018 dans une maison inachevée, et a été abandonné par la justice.

Retour en 2017. Mario Barboza travaille chez Valéo, à Nogent-le-Rotrou. Il souhaite faire son premier achat immobilier, proche de son lieu de travail. Il craque pour le charme d’une longère dans le village de Maison-Maugis.

D’un petit coin de paradis…

« Je savais qu’il y avait des travaux à effectuer, c’est pour cela que dans le crédit que j’ai fait auprès de ma banque, une partie est pour l’achat du bien immobilier et l’autre partie pour les travaux nécessaires », raconte-t-il dans les colonnes du journal Le Perche.

Lors de ses demandes de devis, Mario rencontre des entrepreneurs à l’honnêteté sans faille : « Beaucoup m’ont dit qu’ils ne sauraient pas faire les travaux, ou qu’ils n’étaient pas spécialisés ».

Un seul semble sortir du lot : « C’était le plus emballé par le projet. La priorité était d’abord de refaire le toit : charpente, isolation, toiture. Il m’a alors proposé de s’occuper également du chauffage, de la plomberie et de l’électricité. L’affaire me paraissait raisonnable et je rentrais dans mes frais ».

… à un enfer sans fin

Ce n’est pas tant le retard des travaux qui inquiète Mario – deux semaines, ça n’est pas grand-chose – mais l’intermittence des ouvriers. « Je ne comprenais pas trop comment ils s’y prenaient. Au fur et à mesure, cela me semblait bizarre de faire la toiture avant la charpente. J’ai attendu la livraison de ma chaudière… qui n’est jamais venue. »

L’entrepreneur propose deux devis supplémentaires, l’un comprenant les réparations de la charpente, l’autre l’isolation, le placo et la laine de verre. Dans l’urgence et le stress, Mario signe le premier devis. « J’ai été naïf (…). Le premier devis comprenait déjà les réparations de la charpente, et rien n’a été fait. Dans son équipe, il n’y avait que des plaquistes ; il a perdu son électricien et son maçon durant les travaux. Malgré mes mails, il me prenait pour un idiot », raconte Mario.

Après avoir payé presque 40 % d’acompte (les entrepreneurs prennent généralement 30%), Mario subit une certaine pression afin de verser l’entièreté de la somme du devis. « Il m’a menacé pour que je paie le solde. Si je ne le faisais pas, il ne continuerait pas les travaux. En tout, j’ai versé 56 000 euros sur une valeur de travaux de 90 000 euros. Pour moi, c’en était trop et j’ai pris un avocat. »

Et la justice, bordel ?

Dans un premier temps, l’avocat souhaite une injonction afin d’obliger l’artisan à finir les travaux. La demande n’aboutit pas, l’artisan étant très bien défendu par son avocat. Remonté par ce refus du juge, Mario et son avocat attentent une procédure pour arnaque au tribunal. Le procureur décide de ne pas le poursuivre car il n’y aurait « pas lieu d’aller au pénal ».

La société incriminée est placée en liquidation judiciaire et l’expert judiciaire met en lumière de nombreuses malfaçons. Pour autant, après quatre ans de bataille judiciaire, Mario apprend en mars 2022 que son dossier avait été classé sans suite par le procureur de la République d’Alençon.

Il souhaite saisir un juge d’instruction par le biais de son avocat. Peine perdue. Son avocat s’associe avec un confrère pour monter un cabinet, le dossier passe des mains de l’un au tiroir de l’autre. Mario réclame son dossier afin de changer d’avoué.

L’artisan véreux n’est pourtant pas inconnu de la justice française : c’est un multirécidiviste ayant déjà été condamné. « C’est un mec qui était rodé », commente Mario. « Il y a eu des procès où mon nom a été cité, mais personne ne m’a appelé. Cela fait deux ans qu’il n’y a rien qui avance. On m’a mis dans la merde et personne n’est là pour m’aider ».

Des répercussions désastreuses, et sur le long terme

Depuis 2018, Mario vit dans sa longère inachevée. Tous ça n’a pas été sans conséquence sur sa vie professionnelle et sa vie privée. « Au niveau sentimental, j’ai vécu des hauts et des bas, ça m’a fragilisé. Et je me retrouve en situation de surendettement. » Il a retrouvé depuis peu un emploi stable, après avoir été poussé vers la sortie par son ancien employeur. Quant à cette bien trop longue affaire, elle se chiffrerait déjà à 110 000 euros, selon un expert.

L’homme de bientôt 40 ans, meurtri, réclame justice. « Aujourd’hui, je ne sais plus quoi faire. Je me suis fait escroquer, c’est ma vérité. Les choses n’ont pas été respectées et tout le monde s’en fout. Je me sens abandonné », explique-t-il, dépité.

Dans ce genre de situation, on en vient à regretter les émissions comme celle de Valérie Damido, D&co une semaine pour tout changer, ou bien celle de Marc-Emmanuel et ses bénévoles de Tous Ensemble, qui pourraient lui venir en aide. Lui, souhaite juste pouvoir tourner la page.
Pour qui voudrait soutenir ou aider Mario : 06 88 24 82 18.

Comment agir quand la justice ne semble pas faire son travail ?

  • Prendre immédiatement conseil auprès d’un ingénieur expert en bâtiment et d’un avocat ayant déjà eu à traiter ce genre d’affaire.

  • Deux précautions valent mieux qu’une : n’envoyer à son avocat que des copies des documents et lui demander systématiquement des doubles de ceux qu’il a pu obtenir.

  • La presse, quelle qu’elle soit, est un bon vecteur pour mettre en lumière les failles de la justice et prévenir de potentielles victimes.

À lire aussi