Arnaque à la toiture sur l’Île d’Yeu

Un ouvrier, couvreur presque par hasard, a été condamné par la justice, 4 ans après ses méfaits. En 2020, il avait roulé des seniors lors d’interventions d’entretien de toitures. Le scénario du prochain Woody Allen à Manhattan ? Presque ! Juste en face, sur l’Île d’Yeu, dans la rubrique arnaque du Courrier vendéen.

C’est l’histoire désormais banale d’une personne, sans formation, sans réelle qualification ni expérience, qui s’improvise ouvrier dans un secteur ou un autre du bâtiment. En tant qu’auto-entrepreneur, c’est si simple ! Pas de capital social, pas d’assurance à contracter, aucune compétence à avoir tant en gestion d’entreprise qu’en savoir-faire artisanal. Et comme dans le BTP, puisque les artisans travaillant dans les règles de l’art sont surbookés, il y a du boulot à foison pour les artisans malveillants.

Escrocs mais pas trop

Sur l’Île d’Yeu, comme un peu partout d’ailleurs, les maisons ont des toits, qu’il faut bien entretenir de temps à temps. L’artisan-couvreur compétent du coin ne dérogeant pas à la règle susmentionnée, qui contacter ?

C’est comme ça qu’un auto-entrepreneur de Vallet a été sollicité : « On sortait tout juste du Covid. Toutes ces personnes sont venues à moi : il y a un couvreur sur l’île et il y avait pratiquement un an et demi d’attente » pour bénéficier de ses services, se justifie-t-il à la barre du tribunal de Nantes. Il affirme faire « très rarement du démarchage à domicile », mais il avait été « appelé par un client pour aller travailler sur l’île d’Yeu pendant quinze jours ». Et l’occasion a fait le larron.

Sauf que ce père de 3 enfants, âgé de 43 ans et issu de la communauté des gens du voyage, n’a visiblement que peu d’aptitudes en matière de toiture.

Crimes et Délits

À la suite de plusieurs plaintes, l’enquête de gendarmerie fait état de sommes facturées assez incongrues : l’ouvrier avait encaissé des sommes allant de 2 500 à 7 000 euros auprès d’une demi-douzaine d’îliens, essentiellement des séniors. Des prix supérieurs à ceux pratiqués habituellement par de vrais pros.

Un homme de 74 ans a déboursé 2 700 euros pour un travail fait à la va-vite, en deux ou trois heures. À la demande du soi-disant artisan et de son collègue, le septuagénaire n’avait pas mis d’ordre à son chèque. Lors de son dépôt de plainte, il avait raconté que les deux hommes étaient « très insistants ».

D’autres personnes âgées, qui avaient également eu recours aux services du prévenu et de son binôme, s’étaient eux plaints du traitement hydrofuge appliqué sur leurs toits : le produit avait « brûlé les fleurs tout autour », raconte l’une des victimes. L’accusé a reconnu lors de l’audience qu’il s’agissait en fait de « produits à base de chlore, (…) pas dangereux pour la santé », mais clairement pas faits pour aller sur un toit.

Accords et Désaccords

Quand ils ont reçu une première plainte, les gendarmes, qui avaient croisé la camionnette siglée au nom de la société, avaient alors rappelé à ses deux occupants les règles du code de la consommation. Ils lui avaient également « conseillé de quitter l’île », afin d’éviter tout souci supplémentaire à ses habitants.

Conseil que le malandrin, qui compte deux condamnations à son casier dont deux mois de prison ferme pour « menaces de mort réitérées », n’a pas vraiment suivi…

Quelques temps plus tard, l’accusé faisait signer à un octogénaire un contrat « antidaté pour faire croire que le délai de rétractation avait expiré », tel que l’a souligné la présidente du tribunal correctionnel de Nantes. La fille aînée du vieux monsieur s’était constituée partie civile pour obtenir des dédommagements. Son père avait « déjà des symptômes de la maladie d’Alzheimer », explique-t-elle, que ces travaux « fictifs » ont « beaucoup affecté ».

Coup de chance

Le procureur de la République est assez amer, lors du résumé des faits : « Dans ce genre de dossiers, on a affaire à 90% à des gens qui travaillent dans l’entretien de toitures, avec des sociétés qui n’ont pas pignon sur rue, et qui s’adressent surtout aux seniors ».

Me Khankan, avocat de la défense, lui répond que son client a « une vitrine commerciale dématérialisée sur internet et un numéro de téléphone. Il n’est pas complètement dans la clandestinité ».

Le procureur a requis 150 jours-amendes à 30 euros, soit 4 500 euros, à régler sous cinq mois si le prévenu ne voulait pas purger en détention les jours non payés.

La défense a jugé le « quantum requis par le parquet fortement excessif », et a demandé qu’il soit revu à la baisse.

Le tribunal l’a finalement entendu en prononçant 100 jours-amendes à 30 euros, soit une amende de 3 000 euros.

Un coup de chance pour le prévenu, une simple tape sur la main. Une injustice de plus dans ce genre d’affaires.

Ombre et Brouillard autour des artisans auto-entrepreneurs : faut-il s’en méfier ?

Dans les faits :

  • L’auto-entrepreneur (ou micro-entrepreneur) est un entrepreneur individuel qui exerce une activité commerciale, artisanale ou libérale indépendante, à titre principal ou complémentaire.
    Il existe dans certaines professions et concerne certains statuts comme les artisans-commerçants, les travailleurs indépendants, les étudiants, les personnes sans activité, etc.

  • Comme le rappelle le site entreprendre.service-public.fr, « même si vous n’êtes pas dans l’obligation de vous assurer, il est recommandé de se protéger contre certains risques ». Autant dire que peu d’assurances sont contractées, particulièrement chez les auto-entrepreneurs opérant dans le BTP.

  • Il n’est pas nécessaire de rédiger des statuts ou un quelconque pacte d’associés. Les formalités de création (et de suppression) d’entreprise sont très simples et se font en quelques minutes sur internet. En 5 minutes, n’importe qui peut devenir auto-entrepreneur et obtenir son numéro de Siret.

  • Rien n’oblige à proposer des services en lien avec ce qui est déclaré ; c’est comme ça que l’on retrouve des personnes à la tête d’auto-entreprenariat de vente sur les marchés intervenir en tant que plombier.

  • Un auto-entrepreneur n’a, par ailleurs, pas besoin de déposer un capital social. Et les garanties pour le client, en cas de problème, sont de plus en plus légères : les biens personnels de l’auto-entrepreneur peuvent être saisis pour les créances d’avant le 15 mai 2022. Le patrimoine personnel est protégé pour les créances postérieures à cette date.

Auto-entrepreneur ne signifie par pour autant arnaqueur, mais il peut cacher un défaut de compétence. Il est de rigueur de faire exactement la même petite enquête que pour un entrepreneur classique, et d’être parfaitement sûr de vouloir faire affaire avec lui. En cas de problème(s), on n’a par contre plus que ses yeux pour pleurer.

De plus, si de menus travaux peuvent être parfaitement bien exécutés, ça n’est pas forcément le cas pour des tâches plus importantes : déboucher un évier ne fait pas de l’intervenant un plombier, changer les plombs ne fait pas de lui un électricien.

À lire aussi