Des Bretons victimes d’une escroquerie à la rénovation énergétique

Isolation de maison

Une entreprise du BTP est soupçonnée d’avoir escroqué une cinquantaine de Bretons. Elle ciblait des victimes d’un certain âge, pour ne pas dire d’un âge certain, et leur proposait des travaux de rénovation énergétique. Le préjudice se chiffrerait à environ 1 million d’euros.

Créée en juin 2021 en Bretagne, Avenir Artisan est une PME spécialisée dans les travaux d’isolation. Pour s’assurer d’avoir une clientèle suffisante, la société ciblait les personnes âgées, sous prétexte de rénovation énergétique. Et qui dit « rénovation énergétique » dit « où est le loup ?», voire même ici « le renard et la belette ».

Faut pas pousser pépère dans la laine de verre

Ouest France racontait cette histoire il y a environ un an : Pierre, 70 ans, y explique avoir été contacté par Avenir Artisan afin de vérifier l’isolation des combles de sa maison. Une fois l’expert passé, l’entreprise de rénovation établit un devis de 32 000 euros. Il lui est indiqué que la moitié de cette somme sera prise en charge par les différentes primes gouvernementales. On lui demandé un chèque de 4.000 euros, qui ne sera pas encaisser. « Ça semblait sérieux, je leur ai fait confiance », raconte-t-il.

Sa banque le prévient un mois plus tard : ledit chèque a été encaissé. Le retraité contacte la gendarmerie. La société finit par le rappeler et lui assure que les travaux vont très bientôt commencer. C’est bien le cas et, mi-septembre, les ouvriers annoncent avoir fini le chantier. À bien y regarder, Pierre s’aperçoit que l’épaisseur d’isolation est loin d’être satisfaisante et suffisante, et que des ardoises ont été abîmées.

Financièrement, ça n’est pas tellement plus rassurant : « La banque chez qui ils m’avaient fait contracter un crédit leur a versé l’argent… À partir de là, je n’ai plus eu de nouvelles ». Suite à sa plainte, la gendarmerie le rappelle : le septuagénaire n’est pas le seul à s’être fait escroquer, des dizaines de dossiers sont ouverts contre Avenir Artisan.

L’arbre qui cache la forêt

Cette affaire a comme un air de déjà-vu, et pour cause : le directeur général d’Avenir Artisan est un ancien dirigeant d’Artisan Gautier. Cette société, dont le cœur de métier était la rénovation énergétique, est elle-aussi visée par une enquête pour des méthodes similaires.

L’association UFC Que choisir a recensé plus de 50 victimes. « Les montants vont de 5 000 euros à quasiment 100.000 euros par personne, on frôle le million d’euros au total », explique un des bénévoles de la section de Vitré à Ouest France. Le mode opératoire est particulièrement bien rodé : des personnes âgées, souvent seules chez elles et vulnérables, face à deux démarcheurs beaux-parleurs et manipulateurs.

UFC Que choisir a pu réunir les victimes de ces pratiques trompeuses afin de constituer une action collective au civil. Elle est cependant répartie en trois dossiers distincts, correspondant aux trois types de scénario qui se sont dessinés.

Des plaintes au pénal ont aussi été déposées, à titre individuel cette fois, pour escroquerie et pratique commerciales trompeuses. Philippe Astruc, procureur de Rennes, précisait alors que « l’enquête préliminaire se poursuit en vue de déterminer spécifiquement quelles qualifications du Code pénal et/ou du Code de la consommation trouvent à s’appliquer ».

Avenir Artisan été placée en redressement judiciaire en mai 2023. « On a appris qu’une nouvelle société avait déjà été créée et prenait la suite d’Avenir Artisan depuis mars. Ce sont les mêmes personnes, les mêmes pratiques… C’est sans fin ! », s’exclame Maître Delomel, avocat d’une partie des victimes. Il nous indiquait, il y a quelques jours, que son cabinet avait assigné le dirigeant au civil au nom d’une vingtaine de clients/victimes : « Audience en avril 2025… Il devrait y avoir une audience au pénal, mais je n’ai pas encore de date ».

Itinéraire d’un jeune loup aux dents un peu trop longues

Le chef d’entreprise dont il est question n’est pas un inconnu. Ouest France publiait en 2021 un (auto) portrait du jeune homme, âgé de 22 ans à cette époque, qui laissait circonspect. Quentin H., très bon élève mais n’aimant pas l’école ni les travaux manuels, arrête son parcours scolaire en seconde. Après une première expérience professionnelle à 19 ans, où il dit avoir vécu « le manque de reconnaissance, une forme d’esclavage moderne » (quid des 4 années précédentes ?), il ment sur son CV et s’invente un BTS. Ça lui permet, dit-il, d’enchaîner ensuite les contrats où il trouve qu’il est « plutôt mal payé », considérant qu’il « valait davantage ».

Le gérant de l’entreprise Gautier, à Vezin, cherchait quelqu’un pour développer la partie commerciale. Il est embauché, puis rachète la société pour un euro, après le confinement ; elle est renommée Artisan Gautier. Quentin H. engage des personnes de confiance pour l’épauler, vu qu’il ne connait finalement pas grand-chose à la gestion d’entreprise. « Il faut savoir se fier aux autres, les écouter. Ce n’est que du bon sens et de la confiance », explique-t-il dans les colonnes de nos confrères. Confiance… un mot au goût amer pour Pierre et sans doute pas mal d’autres victimes de ce jeune homme.

En attendant que sa société prenne de la valeur, pour franchise ou revente, il monte MN Connect, une boîte d’informatique, en région parisienne (création et hébergement de sites internet, création de campagne internet, consulting en marketing digital), dont il est actionnaire pour un tiers.

À l’époque, il ne comptait pas s’arrêter là… « Je voudrais faire partie des 1 000 plus riches d’Europe », affirmait-il.

Des entreprises en veux-tu en voilà

Sur Pappers.fr apparait Régie France, société de création de planning pour entreprises, de gestion des rendez-vous et de prise de rendez-vous. Elle a été créée fin 2021, avec un capital social de 500 euros, et est toujours en activité. Quentin H. en est président, et actionnaire à 40%.

Sur la page dédiée aux activités de Quentin H., on y trouve également Avenir Car, créée début 2022 avec un capital social de 1 000 euros. Il s’agit cette fois de location de longue durée de tous véhicules (voitures particulières, utilitaires légers, utilitaires, camions). Il en est président et actionnaire à 50%.

Dans la série des sociétés d’avenir : Avenir Design (vente à distance dans le secteur du design et de la décoration intérieure et extérieure), fondée en juillet 2022, avec un capital social de 500 euros. Il en est le directeur général et possède 38,5% des parts.

Quant à Avenir Artisan (fondée avec un capital social de 500 euros), il en est le directeur général et détient 50% des parts. La liquidation judiciaire a été clôturée par le jugement du 15/05/2024. Quentin H. en a été dirigeant de juillet 2020 à mars 2021, et actionnaire bénéficiaire à hauteur de 30% jusqu’à la fin.

À noter que ces différentes sociétés sont souvent sises à Le Theil-De-Bretagne ou à Guérande.

Et c’est sans compter Up Business, une entreprise individuelle de conseil en relations publiques et communication, créée en janvier 2021 à Vezin-Le-Coquet.

S’agissant de MN Connect, un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire a été prononcé en janvier 2024.

L’ambitieux terminait l’entretien ainsi : « Je suis jeune, je veux avancer, faire bouger les choses. Me reposer ? Ce sera plus tard… »

Quand il sera en prison ?

À lire aussi