Encore un démarcheur à qui on aurait « donné le bon Dieu sans confession »

Un homme déambulant

Un démarcheur à domicile, encore un, sillonnait le Calvados à la recherche de seniors à arnaquer à grand renfort d’arguments prouvant la nécessité de travaux de rénovation.

Gilbert, Bernard, Denise, Huguette, et bien d’autres dont le prénom trahit la tranche d’âge, ont un point commun : ce sont les victimes d’un serial arnaqueur, récidiviste, contre lequel ils ont témoigné au tribunal.

Le bonimenteur à l’affut du moindre signe de faiblesse

C’est légion : les personnes âgées sont une cible de choix pour ceux qui font du porte à porte. Et pour cause : elles sont si faciles à repérer. Dans les répertoires téléphoniques, sur les boites aux lettres ou dans les gazettes locales, il suffit de lire leur prénom pour évaluer leur âge.

Si, en plus, elles habitent dans des bourgs ou des villages, en pleine campagne, dans un certain isolement géographique, c’est du pain béni pour des commerciaux sans scrupules.

Le commercial en question, la petite trentaine, rebaptisé Alexandre par nos confrères de Liberté (Le Bonhomme Libre) n’échappe aucunement à cette description. Les victimes de ce commercial le décrivent comme quelqu’un de « fort sympathique » et de « beau parleur ». Aux dires de tous, il sait y faire pour persuader les gens d’entreprendre des travaux de réfection ou d’isolation, souvent inutiles mais toujours onéreux, qui ne seront pas terminés ou pas même réalisés. Une victime, en fauteuil roulant, déclare d’ailleurs à la barre qu’«on lui aurait donné le bon Dieu sans confession».

Et nos confères de préciser qu’il n’est pas le seul à être mis en cause dans cette enquête : ils étaient deux. Sauf que son acolyte est décédé. De fait, entre ça et l’ancienneté des faits, Alexandre s’emmêle un peu pendant le procès sur qui est responsable de quoi. Heureusement, ses victimes, elles, sont toujours en vie, ont bon pied bon œil, et sont bien loin d’avoir la mémoire qui flanche. Elles ne sont pas avares de détails pour décrire certaines méthodes peu orthodoxes pratiquées par cet homme. Il leurs expliquait notamment : « Ce n’est pas la peine de marquer le bénéficiaire sur le chèque, je mettrai le nom de la société ». Ainsi, l’argent atterrissait sur le compte de sa compagne ou de sa sœur.

Récidiviste, et alors ?

Malgré une interdiction d’exercer, il a continué ses activités, particulièrement dans les communes de Biéville-Beuville (moins de 200 habitants), Percy-en-Auge (à peine plus de 200 habitants), Démouville (un peu plus de 3 000 habitants), Villers-Bocage et Pont-d’Ouilly (plus de 14 000 habitants). Il a, par le passé, déjà été condamné pour le même genre d’infractions, avec interdiction d’exercer ce type d’activité.

L’un des assesseurs se demande quelle peine pourrait l’arrêter…

« Il faudrait une répression digne de ce nom », explique le procureur de la République Pierre Vrinat. Il évoque ainsi la « branche gériatrique particulièrement implantée dans le Calvados » comme cible des artisans sans formation ni expérience, ou encore malhonnêtes et sans scrupule.

Il met l’accent sur un point peu évoqué lors des procès, mais qui s’étale à longueur de sujet dans les médias : les répercussions psychologiques de ces escroqueries sur les victimes : « Elles se sont laissées duper avec facilité, elles prennent conscience de leur incapacité à défendre leurs intérêts. Peu importe leur caractère ou leur passé, elles sont devenues vieilles et fragiles ».

Une nouvelle condamnation sans doute peu dissuasive

Le 11 avril 2024, Alexandre était donc jugé pour « escroqueries » et « exercice d’une profession commerciale malgré une interdiction judiciaire ». Ont été requis 18 mois de prison, dont du sursis probatoire, et une interdiction d’exercer une activité commerciale ou de diriger une entreprise durant 5 ans. La défense indique qu’il n’est pas certain qu’une peine ferme soit très utile, vu que « ces réquisitions arrivent bien tard ; depuis 2020, il est passé à autre chose ».

Dans le délibéré du 18 avril, le trentenaire a été condamné à 18 mois de prison, dont huit mois avec un sursis probatoire de 24 mois. Il a interdiction d’exercer une activité commerciale durant 5 ans, et devra dédommager les victimes à un total de 3 600 euros pour les préjudices matériels et 1 000 euros pour leur préjudice moral.

Que faire pour empêcher les démarcheurs à domicile de nuire ?

En l’absence de répression sévère (comme une grosse peine en sursis assortie de travaux d’intérêts généraux significatifs), d’amendes conséquentes et de contrôles systématiques des registres de commerce (dès lors qu’il y a eu plusieurs radiations et/ou interdiction d’exercer), il nous reste quelques gestes au quotidien permettant d’éviter ces escroqueries.

  • Ne mettre QUE son nom de famille sur la boite à lettres :

    – pas de genre, de prénom(s), d’initiales ;

    – aucune indication sur un quelconque statut marital ou social ;

    – pas de localisation des appartements dans un immeuble.

  • Ne pas accepter immédiatement des travaux :

    – demander plusieurs devis ;

    – vérifier chaque information du devis (Siret, TVA, cohérence des tarifs, passif de l’entreprise et de l’artisan, assurance, etc.) ;

  • Ne pas payer les travaux en amont, sans facture délivrée et vérifiée.

Et surtout, seul VOUS êtes au fait des travaux, urgents ou non, qu’il pourrait y avoir à faire ! Cela vous donne toute latitude pour faire des devis, contacter votre assurance si besoin, et mener votre petite enquête sur internet.

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