Le projet de funérarium sur le point d’être enterré

À Vignacourt, dans le département de Somme, même les morts n’ont pas le droit au repos éternel. Le funérarium de Philippe Godard aurait dû voir le jour il y a deux ans. Hélas, le bâtiment accumule les malfaçons au point que son propriétaire envisage d’entamer une grève de la faim.

Un projet au service des habitants du secteur

Lorsqu’il prend la tête de l’affaire familiale, en 2005, Philippe Godard sait que la gestion d’une entreprise est semée d’embûches. Durant quatre générations, la société a évolué et compte deux domaines d’intervention : la menuiserie et les pompes funèbres. Pour éviter aux familles des défunts de se rendre dans les chambres funéraires des alentours, Philippe Godard s’engage dans la construction d’un funérarium dans sa commune, à Vignacourt. Le projet est ambitieux mais raisonné puisqu’il s’agit d’ériger une extension du bâtiment existant permettant d’accueillir trois chambres funéraires, une salle de cérémonie civile d’une capacité de 60 personnes, un point de vente, un laboratoire, un bureau ainsi qu’un garage. Le permis de construire est déposé en 2020. Et c’est là que les problèmes commencent.

Charpente, bardage, toit : rien ne va !

Si le chantier de ce bâtiment à ossature bois a bien démarré en 2021, les vices de construction commencent vite à apparaître. « Dès janvier ou février 2022, j’ai émis des doutes sur certaines choses », se souvient Philippe Godard. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le chef d’entreprise a eu le nez fin !

En mars 2022, les travaux s’arrêtent. Un expert indépendant constate des « désordres et malfaçons » et pointe notamment des réserves « sur la solidité de la charpente sous la contrainte des efforts demandés par le poids du complexe d’étanchéité ». En clair, la structure n’est pas capable de supporter la toiture végétalisée, encore moins si l’on y ajoute les contraintes météorologiques de la pluie, du vent et de la neige.

Du côté des murs, le constat n’est guère plus reluisant. « Le gros liteau devrait être dans le fond et le petit devrait être contre le bardage », s’agace Philippe Godard. Quant à l’isolant, il manque le pare-pluie indispensable pour empêcher l’eau de rentrer. À l’intérieur du bâtiment, les murs ne sont pas reliés à la charpente et une fissure lézarde la future salle de cérémonie.

350 000 euros à rembourser pour un funérarium inutilisable

Si Philippe Godard est si remonté, c’est que la facture est lourde. Aux coûts des rapports d’experts s’élevant à plusieurs milliers d’euros s’ajoute le crédit immobilier à solder (le projet total avoisine les 350 000 euros). Or, pour financer son emprunt, le gérant comptait sur ce service à la population. Au lieu de cela, il doit donc proposer aux familles des défunts de chambres funéraires situées 15 ou 20 km plus loin. La situation financière de l’entreprise de pompes funèbres est telle que les emplois des trois salariés sont menacés.

Des recours en justice qui traînent

Les rapports d’experts sous le bras, Philippe Godard engage, en février 2023, une procédure en référé contre le bâtisseur. Mais là encore, l’immobilisme demeure. L’expertise judiciaire annonce attendre les documents du constructeur et du dallagiste. Plus d’un an après, c’est le statut quo !

Le gérant des pompes funèbres a sollicité la presse pour tenter de faire avancer les choses. Désormais à court de solutions, il envisage d’entamer une grève de la faim.

Est-il possible d’éviter une telle mésaventure ?

La réponse est simple : non. Il est clairement impossible d’éviter ce type de tracas. Néanmoins, voici quelques pistes pour limiter les risques d’une situation qui s’enlise :

  • prendre des garanties supplémentaires telles que la garantie de parfait achèvement. Il convient d’émettre des réserves lors de la réception des travaux en cas de doutes ;
  • protéger légalement l’ouvrage : il est conseillé de souscrire une assurance dommage ouvrage qui permet de financer rapidement d’éventuelles réparations en cas de malfaçons ;
  • un contrôle spécifique des points sensibles: il est possible, dans le cas de chantiers importants, de réaliser des réceptions partielles à chaque étape (fondations, charpente, murs, bardage) ;
  • la négociation avec le constructeur: une négociation à l’amiable est toujours préférable afin de rectifier les erreurs de construction. Le recours juridique n’intervient qu’en dernier lieu.

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